Événement national qui se tenait à Marseille, organisé par l’association professionnelle l’AFHYPAC (Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à Combustible), la Métropole Aix-Marseille-Provence et la CCI du Var, et soutenu par la Région Sud, Durance Luberon Verdon Agglomération, la CCI Marseille-Provence et le pôle de compétitivité Capenergies, les « JH2 » ont rassemblé pendant 2 jours de nombreux acteurs de l’écosystème régional.

Les acteurs des territoires impulsent une dynamique positive, et font de cette transition énergétique une réalité. 

Une forte progression du nombre des membres

« En 15 mois, signale Philippe Boucly, le président de l’Afhypac, le nombre d’adhérents est passé d’une centaine à 160 », et ce n’est pas fini. Une montée en puissance aidée par les groupes de travail mis en œuvre par l’Afhypac à l’aune de la reconnaissance de l’hydrogène dans la programmation pluriannuelle de l’énergie ». Comme l’indique Christelle Werquin, déléguée générale de l’Afhypac, « l’hydrogène dispose du soutien au plus haut niveau de l’état et la filière avance ». Reste à passer à la vitesse supérieure et à la « massification », le mot-clé de ces deux journées marseillaises.

A l’occasion des journées marseillaises, l’Afhypac a également dévoilé sa plateforme en ligne Vig’Hy : l’observatoire de l’hydrogène en France. S’appuyant sur les remontées de l’ensemble des acteurs de la filière, Vig’Hy recense sur une seule et unique carte actualisée les projets, initiatives et stations de recharge en France.

www.vighy-afhypac.org

Massifier la production et les usages

Stéphane Reiche, délégué général du grand port maritime de Marseille (GPMM), a rappelé que pour que « l’hydrogène soit décarboné, il faut d’abord que l’électricité le soit aussi ». A Marseille, 114 MW d’énergies renouvelables sont déjà installés, dont 33 MW en solaire et 31 MW en éolien. Déjà quelque 10 000 tonnes fatales d’hydrogène sont produites par Kem One, sur l’établissement de Fos-sur-Mer. Par électrolyse du sel, les ateliers de Fos-sur-Mer produisent en effet du chlore, de la soude et de l’hydrogène. Le chlore obtenu est consommé sur place, pour fabriquer du chlorure de vinyle monomère (CVM), livré pour moitié à Kem One à Berre (Bouches-du-Rhône) ; le reste est expédié par barges vers le site de Saint-Fons (Rhône) où il est transformé en PVC.

De son côté, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Var a soumissionné dès 2016 l’appel à projets « territoire Hydrogène ». Le programme Hynovar, qui repose sur un partenariat CCI du Var, Engie Cofely, le circuit Paul Ricard, les Bateliers de la Côte d’Azur et Hyseas Energy, prévoit l’installation de deux stations de production-distribution d’hydrogène et un développement de la mobilité terrestre et maritime hydrogène.
Hynovar a été sélectionné le 3 mai dernier dans le cadre de l’appel à projets lancé par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), « Ecosystèmes de mobilité hydrogène ». Ce projet porte notamment le déploiement d’une navette maritime dans le port de Toulon, et à terme Marseille s’inscrit aussi dans cet objectif. Elle porte également le projet H2Flex, labellisé Flexgrid par la Région, qui vise à modéliser le réseau électrique pour assurer un meilleur équilibre entre production des énergies renouvelables et consommation des entreprises du plateau de Signes, via le stockage que permet l’hydrogène. A Signes, un projet fait ainsi appel à l’hydrogène pour stocker le courant produit par les panneaux photovoltaïques.

Jacques Bianchi affirme : « Les efforts et les perspectives poussés par la CCI du Var vont bien au-delà du seul Programme Hynovar et visent toute la chaîne de valeur Hydrogène ! ».

La CCI du Var ambitionne ainsi avec de nombreux partenaires d’œuvrer en faveur de :

  1. L’émergence à Signes d’un Pôle régional de l’Innovation, de la Mobilité du Futur et de la Sécurité Routière, un équipement structurant souhaité par la Région Sud,
  2. L’électrification de ferries à quai (PAC), en particulier pour les Ports de la Rade de Toulon,
  3. La synergie avec tous les acteurs H2 de proximité pour de nombreux autres projets à l’échelle territoriale, régionale et au-delà,
  4. Nous portons également le projet H2Flex (hydrogène pour la flexibilité), labellisé Flexgrid par la Région qui permettrait de produire de l’hydrogène vert à partir des vastes champs photovoltaïques présents autour du Parc d’Activités du Plateau de Signes.

 

La Croissance verte et bleue c’est aussi pour la Chambre de commerce et d’industrie du Var une implication de longue haleine dans de nombreuses autres opérations :

  • Les plans de déplacement inter-entreprises avec notamment un accompagnement des zones d’entreprises et la mise en place de dispositifs synonymes d’économies et de gains de productivité
  • L’économie circulaire avec la promotion des entreprises actives dans ce domaine et l’organisation d’un colloque annuel dédié pour encourager les territoires à développer leurs efforts en la matière.
  • Les opérations de collaboration transfrontalière sous l’égide de l’Europe avec notamment 19 programmes Interreg-marittimo dédiés aux énergies nouvelles et à la mobilité maritime.

Nathalie Reitzer, Directrice des Ressources Humaines et Développement durable du Circuit Paul Ricard, revient sur le partenariat du Circuit dans le projet de territoire Hynovar :

« Notre site représentant 150 ha d’espaces verts au cœur du Parc naturel régional de la Sainte Baume, c’est tout naturellement que le circuit a souhaité associer la sphère des sports mécaniques à une politique globale de mobilité durable, au travers de la filière hydrogène notamment ».

 

La politique de développement durable du Circuit Paul Ricard s’active autour de cinq axes de soutien à la filière hydrogène :

  • la production d’électricité verte grâce à 20 000 m² d’ombrières photovoltaïques positionnées sur un des parkings du circuit, auxquels il convient d’ajouter les 1500 m² sur le hangar H5 de l’Aéroport International du Castellet, et également 600 m² de projet de toiture au circuit ;
  • les usages internes et matières de mobilité durable (flotte de véhicules électriques tels que des scooters, voiturettes Paddock, chariot élévateur, gerbeurs électriques, Twizzy, Kangoo symbio, et les projets d’acquisition de SUV H2, minibus H2, navette PMR autonome…) et les usages externes à destination du grand public (accès 24h/24 aux bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides, station H2 ;
  • faciliter le développement technologique avec la mise à disposition des infrastructures du circuit et l’accueil de sessions de roulage hydrogène, puis à terme de compétitions ;
  • contribuer à l’acceptabilité sociale de l’hydrogène en sensibilisant le grand public du circuit et en organisant des opérations marketing comme le projet avec les taxis de l’aire toulonnaise ;
  • la sécurité et la formation : le Circuit a mis en place un institut de formation en 2015 qui offre des formations variées en lien avec la sécurité (extraction, électricité, SST…) et travaille actuellement avec l’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) sur la création d’un diplôme de Technicien(ne) de piste sur circuit de vitesse dont un module, ouvert à tous, sera dédié aux risques liés aux véhicules fonctionnant avec des nouvelles énergies.

Philippe Zichert, membre élu de la CCI Marseille Provence, en convient : « La chambre mise sur une industrie historique existante, avec notamment un hydrogénoduc de 40 km reliant Fos-sur-Mer à Lavéra et des gazoducs pour valoriser l’hydrogène. Sans oublier la zone portuaire, moteur de la demande à venir. D’ores et déjà, un démonstrateur de « Power-to-gas » (électricité en gaz), Jupiter 1000 et porté par GRTgaz (le gestionnaire de réseau de transport de gaz) est opérationnel au nord de la plateforme PIICTO (plateforme industrielle et d’innovation du Caban-Tonkin), à Fos ».

Renaud Muselier, président de la Région Sud, revient sur le plan climat régional : « Nous avons voté, il y a un an, un grand Plan Climat articulé autour de 5 axes (écomobilité, neutralité carbone, croissance verte, protection de la biodiversité et bien-être) et se déclinant en 100 mesures concrètes ».  

Parmi la centaine d’initiatives de ce plan, plusieurs d’entre elles visent à développer et à soutenir l’hydrogène que ce soit à travers le domaine des transports, de la production d’énergie ou encore du stockage. 

Il poursuit : « Nous sommes tous convaincus que l’hydrogène est un acteur du futur mix énergétique et vous l’avez rappelé de manière unanime dans vos interventions. Notre région Sud dispose d’un tissu économique et industriel fort qui lui permettrait d’avoir une longueur d’avance par rapport aux autres régions avec plus de cent acteurs directement impliqués sur le thème de l’hydrogène qui s’y sont implantés.

Le Grand Port Maritime de Marseille est une force incroyable pour accélérer cette filière de manière industrielle, notamment grâce à la zone de Fos-sur-Mer qui dispose de plus de 7 000 tonnes d’hydrogène fatal (hydrogène produit lors d’un process industriel qui est souvent perdu).

Nous devons capitaliser sur ce tissu industriel déjà existant, sur cette dynamique que vous représentez aujourd’hui et sur nos projets de démonstrations à grande échelle, qui représentent une avancée majeure en terme technologique. 

Quelques exemples de projets structurants que la Région a accompagnés : 

Jupiter 1000 : 3,7 millions d’euros d’aides régionales à Fos-sur-Mer. Ce projet de production d’hydrogène à partir de surplus d’électricité est un projet majeur qui est injecté dans le réseau, – 200 000 euros par an pour l’animation de la filière, – 400 000 euros en soutien à l’ingénierie des projets (Hygreen, Hynovar) dont 200 000 euros pour le déploiement de vélos hydrogène Hygreen.

Rôle de la région : 

Le 10 mai dernier, j’ai réuni l’ensemble des acteurs régionaux de cette filière. Plus de 100 participants étaient présents. Nous avons constaté ce dynamisme territorial mais il appartient aujourd’hui d’apporter de la cohérence à ces initiatives, de mutualiser nos moyens et de sécuriser la demande. 

La réflexion et la coordination des acteurs de l’hydrogène est nécessaire pour que nous passions ensemble à l’échelle suivante. 

Philippe Maurizot

À la suite de cette rencontre nous avons mis en place un groupe de travail coprésidé par la Vice-présidente Maud Fontenoy, Philippe Maurizot et Capenergies, représenté par Paul Lucchese et Anne-Marie Perez.  La Région peut d’ailleurs compter sur le pôle de compétitivité Capenergies, qui aide déjà une vingtaine de projets et anime l’écosystème hydrogène de la région, au sein du club H2 Sud. Ce groupe de travail permettra de coconstruire avec les acteurs régionaux une stratégie hydrogène régionale qui permettra de justifier la maturité technologique et d’apporter des garanties financières a de potentiels investisseurs.

Avec un groupe de travail coordonné avec les industriels, et une action politique mutualisée -ndlr : éolien flottant- au niveau du Sud, nous avons réussi à doubler les MW planifiés en Méditerranée dans les futurs appels d’offres ». 

Philippe Maurizot, conseiller régional, vice-président de la commission économie, industrie, innovation, numérique et président de Flexgrid explique le rôle joué par la Collectivité : « La Région est partenaire des « JH2 ». Nous valorisons l’excellence des circuits courts, produire et consommer local :  Convertir une énergie en une autre, la stocker, la distribuer et la consommer localement. Sur Provence Ouest, quelques 7 000 tonnes de « H2 fatal » par an sont des déchets transformés en ressources en hydrogène, utilisables pour d’autres process industriels !

Le rôle des collectivités est de tendre vers le mieux vivre en Région. En favorisant des investissements publics de mobilité (flottes véhicule : bus, train, vélo…), en allant vers des marchés grand public nous baissons les coûts futurs de production. La Région est un fédérateur, et joue un rôle de vulgarisation par ses liens avec les populations.

Notez sur le forum H2, la présence de tous les acteurs en énergies renouvelables, cela permet de travailler en désilotage. Ce- travailler ensemble- favorise la concertation et la transparence nécessaires au déploiement des réseaux ».

Hygreen Provence : un parc solaire de 1 500 hectares porté par l’agglomération Durance Lubéron Verdon permettant de produire de l’hydrogène vert, à hauteur de la consommation de quelque 1 400 bus, et de livrer un soutien au réseau électrique GRTgaz.

Hyammed : vise à déployer une station d’approvisionnement sur le site portuaire industriel de Fos-sur-Mer.

Côté demande, le territoire a une ambition, avec quelque 7 000 trains par an, 3 000 barges fluviales, près de 3 000 chariots élévateurs, sans oublier les deux millions de poids lourds, dont 60% dans les Bouches-du-Rhône, l’hydrogène doit jouer un rôle dans la décarbonation des transports.

La façade maritime

Le branchement des navires à quai au réseau électrique (pour remplacer le diesel) n’est pas toujours possible. Là encore, l’hydrogène a une carte à jouer, en installant des piles à combustible. Marseille mais aussi Toulon se saisissent de cette carte, avec des projets de 2 MW. Franck Verbeke, d’Helion Hydrogen Power (ex-Areva Stockage Energy) souligne en effet que l’organisation maritime internationale a fixé des objectifs de réduction des rejets (CO2, SOx, NOx) de 30% en 2030 dans les ports et de 50% en 2050 par rapport à 2018. « De nombreux usages peuvent être concernés, insiste-il, des grues mobiles, en passant par les tracteurs de conteneurs au sol, et pour certains types de navires ». En Bretagne, un projet est en cours sur un petit ferry avec une pile à combustible de deux fois 1 MW, un projet hybride puisque doté aussi d’une batterie. Helion, associé à Orion Naval Solutions est également en train de travailler sur un projet de barge de transport fluvial, à Toulouse, avec un modèle hybride et une PAC de 80 kW à 150 kW.

Utiliser l’éolien offshore

L’hydrogène est également un moyen de stockage privilégié pour les surplus d’électricité renouvelable, via le Power to Gas. Au-delà du projet Jupiter 1000, en Vendée, le Sydev, le syndicat d’énergie vendéen, mise sur un projet similaire à terme, Vendée hydrogène. Au départ, trois éoliennes « historiques » de 2,5 MW du parc de Bouin (qui sont sorties du tarif d’achat) livreront environ 30% de leur production pour fabriquer 30 tonnes d’hydrogène par jour. Mais, à terme, indique Alain Leboeuf, président du Sydev et de Vendée Energie (la structure qui porte le projet, constituée avec deux autres syndicats d’énergies Soregies et Sergies et le soutien de la Caisse des dépôts), ce projet pourrait accueillir les surplus du futur parc offshore d’Yeu-Noirmoutier. En Méditerranée, à Port-la-Nouvelle, un projet identique se met en place avec pour horizon la future production de l’éolien offshore flottant.