REMISE DU PRIX DU PHOTOJOURNALISME
& DU PRIX DES JEUNES REPORTERS
EXPOSITION DU PRIX DU PHOTOJOURNALISME
-CLUB DE LA PRESSE MARSEILLE PROVENCE ALPES DU SUD-

Elsa CHARBIT, Présidente du Club de la Presse Provence Alpes du Sud, Chloé VINCENTI, responsable de la communication du Crédit Agricole Alpes Provence, partenaire principal de ce temps fort, et Pierre CIOT, Président de la SAIF, en présence de Jean-Luc CHAUVIN, Président de la CCI métropolitaine Aix-Marseille-Provence et de Georges-Marc BENAMOU, journaliste, écrivain et réalisateur, ont remis ce mardi 7 décembre deux prix créés par le Club de la Presse Marseille Provence Alpes du Sud :

  • LE PRIX DU PHOTOJOURNALISME, attribué à Anthony MICALLEF pour sa photographie mettant en avant La fanfare du Pompier Poney Club jouant à l’occasion de l’inauguration de la plate-forme d’aide alimentaire « L’Après M », installée dans l’ancien McDonald’s de Sainte-Marthe, dans les quartiers nord de Marseille le 19 décembre 2020
  • LE PRIX DU JEUNE REPORTER – PRIX ALBERT CAMUS, attribué à Nicolas BEUBLET et Alice GAPAIL, étudiants à l’EJCAM, pour leur reportage « A Saint-André, vivre avec l’injustice de la pollution»

20 photographies au format 150×200 cm ont pris place sur les grilles extérieures du Palais de la Bourse (côté Canebière), réalisées par 13 photographes : Théo GIACOMETTI, Patrick BOX, Estelle DOEHR, Anthony MICALLEF, France KEYSER, Valérie SUAU, Valérie VREL, Eric FRANCESCHI, Nicolas VALLAURI, Nicolas TUCAT, Robert TERZIAN, Camille DODET, Gilles BADER

Elles sont à découvrir jusqu’au 14 JANVIER 2022. A noter que cette exposition sera également programmée l’été prochain dans le cadre des Rencontres de la photographie d’Arles, 1er festival de photographie de renommée internationale.

Photo © Nicolas VALLAURI

REMISE DU PRIX DU PHOTOJOURNALISME À ANTHONY MICALLEF

A travers ce Prix et l’exposition qui lui est rattachée, le Club de la Presse Marseille Provence Alpes du Sud met en avant et récompense chaque année une profession en souffrance : la photographie de presse. Que ce soit en presse écrite, digitale ou audiovisuelle, jamais l’image n’a occupé une place aussi centrale dans les médias. Paradoxalement, jamais les photographes n’ont eu à travailler dans une telle précarité.

Pour cette 4ème édition, le jury était composé de Claude ALMODOVAR, Président du Jury, photographe, Pierre CIOT (photographe et Président de la SAIF), Daniel COLE (photographe et lauréat du Prix 2020), Luc GEORGET (conservateur en chef du Musée des Beaux-Arts de Marseille), Alain PAIRE (journaliste et écrivain).
Le Crédit Agricole Alpes Provence, la SAIF et le Club de la Presse Marseille Provence Alpes du Sud ont remis à ANTHONY MICALLEF** un chèque de 2 000 €.

DANIEL COLE, lauréat du Prix du Photojournalisme 2021 du Club de la Presse Marseille

Une fanfare marseillaise joue lors de l’inauguration du fast-food social « L’après M » dans un ancien restaurant McDonald’s du quartier Sainte-Marthe dans les quartiers nord de la ville. @Anthony MICALLEF

Basé à Marseille, Anthony MICALLEF est un photoreporter indépendant. Il travaille avec la presse nationale et internationale (Télérama, La Croix, Pèlerin, Le Figaro magazine, le Point…) et avec le Secours Catholique et la Fondation Abbé Pierre. Il est amoureux de la Méditerranée et des pays qui gravitent autour d’elle et attiré comme un aimant par les mondes clos, les interdits et le houmous. Il aime réaliser des immersions au long cours : avec les jeunes militants du FN, avec un sosie d’Elvis Presley, aux Urgences de Créteil, avec les jeunes artistes des Beaux-Arts de Paris et dans un commissariat de police. Il mène depuis 3 ans un projet à Marseille sur le logement indigne et les délogés, nommé « Indigne Toit », dont est né un livre photo.​

REMISE DU PRIX DU JEUNE REPORTER – PRIX ALBERT CAMUS À NICOLAS BEUBLET ET ALICE GAPAIL

Pour sa troisième édition, le PRIX DU JEUNE REPORTER – qui a adopté le nom d’ALBERT CAMUS, homme de théâtre, romancier, philosophe mais aussi journaliste – a pour sa part été attribué à NICOLAS BEUBLET et ALICE GAPAIL, tous deux étudiants à l’École de Journalisme et de Communication d’Aix-Marseille (EJCAM).

Ils ont été récompensés pour leur reportage « A Saint-André, vivre avec l’injustice de la pollution » répondant à la manière d’écrire d’Albert Camus (cf. reportage dans son intégralité en encadré ci-après).
Un chèque de 1 000 € leur a été remis par le Crédit Agricole Provence Alpes et le Club de la Presse Marseille Provence Alpes du Sud.

Le jury, composé de Rislène ACHOUR et Hervé VAUDOIT, Hervé NEDELEC, Alexandre ALAJBEGOVIC, Caroline BINDEL ainsi que Pauline LEFRANÇOIS avait sélectionné au total cinq projets de reportage pour la finale travaillés par Eléna Lébely et Zoé Cottin ; Jules Careau ; Nina Cardon ; Marie Lagache et bien entendu Nicolas Beublet et Alice Gapail.

REPORTAGE « À SAINT-ANDRÉ, VIVRE AVEC L’INJUSTICE DE LA POLLUTION »

Depuis des années, Saint-André étouffe. Coincés entre un port et une autoroute envahissants, les habitants questionnent les maladies et allergies dont ils sont victimes.
Reportage dans un quartier où la pollution est vécue comme une injustice.

« Je vais vous emmener voir le monstre là-bas » lance Élisabeth Pelliccio, présidente du Comité d’intérêt de quartier de Saint-André. Le monstre, c’est le Wonder of the Seas. Le plus grand paquebot du monde avec 362 mètres de long. À son bord, un vrai “paradis” : une tyrolienne de 24 mètres, deux murs d’escalade, et même une patinoire sont à disposition des 6 988 personnes qu’il peut accueillir. Arrivé le 9 novembre à Marseille, le bateau situé près de Saint-André repartira en mars 2022. « Et en plus, il tourne au gasoil » regrette Elisabeth, que nous rencontrons pour évoquer la pollution du quartier.
À Saint-André, le calme contraste avec l’agitation environnante. D’un côté l’autoroute du littoral et ses milliers de voitures, de l’autre le port et ses dizaines de paquebots. Ici, ce qui frappe en premier c’est l’odeur. Comme un mélange de gasoil et de fumée dans un air dense et épais. Dans les collines, au-dessus des bâtiments, se dessine un léger voile noir. Les habitants, eux, n’ont pas l’air dérangé. Après plusieurs heures, notre gorge commence à piquer.
Face à Élisabeth et Denis Pelliccio, nous remettons nos masques, justifiant une sensation désagréable. « C’est la pollution ça. On y est habitué nous, explique Élisabeth : Et encore, c’est pire l’été. Avec l’ozone, les gens ne sortent plus de chez eux. Ils suffoquent ». Pour elle, le problème vient avant tout du manque de volonté des politiques à agir. « Le port, par exemple, n’est doté d’aucun capteur de qualité de l’air et ils refusent de le faire » explique Élisabeth, d’après qui « ne pas savoir et faire semblant leur permet de continuer à développer les activités économiques ».

« J’ai l’impression de la subir, cette pollution. »

Pour mesurer la pollution, Élisabeth a placé en décembre 2020 un capteur de qualité de l’air sur son balcon. Les résultats concernant les particules fines sont effrayants : le seuil de référence de l’OMS indique une concentration maximale moyenne de 15 μg/m3 de particules fines PM2,5 pendant 24 heures. Sur la journée du 26 novembre, la concentration moyenne dans l’air était de 72 μg/m3. Selon le site Purpleair, qui recense les “capteurs citoyens”, « Il pourrait y avoir un risque pour les personnes exposées pendant 24 heures (à cette concentration de PM2,5) ». Les habitants de Saint-André le sont toute l’année.

Cette pollution, Annie, une ancienne secrétaire ayant toujours vécu ici, la remarque tous les jours. Elle vit sur le chemin du littoral, juste en face des quais de croisière. D’après elle, le trafic routier s’est accéléré avec le développement du port. Elle se lâche, excédée : « Moi j’ai l’impression de la subir, cette pollution. Surtout le port et ses bateaux de croisière qui fument toute la journée à quai. Ça me fait très peur. » Un sentiment matérialisé dans son jardin : « On a des grands ifs pointus et quand mon mari les taille, à l’intérieur c’est tout noir. D’ailleurs ses bras le sont aussi, comme s’il avait travaillé sur un moteur de voiture. » Même chose sur sa table de jardin, ses vitres et sa terrasse : « quand je nettoie, la serpillère est noire. » Depuis quelque temps, Annie est fréquemment touchée par des toux irritatives et des démangeaisons au niveau des yeux. « Beaucoup de copines ont le même problème. Pour ma part, je mets des gouttes dans les yeux, prescrites par le médecin. »

« Bien sûr qu’on peut établir un lien entre l’irritation des yeux et la pollution puisque les allergies augmentent avec les facteurs polluants » confirme François Bérengier, médecin généraliste à Saint André, avant de soulever d’autres effets sur sa patientèle : « Il y a une majoration des pathologies respiratoires existantes comme l’asthme ou la bronchite chronique ».
Cependant, il reste mesuré : « Toutes ces pathologies peuvent être plurifactorielles mais sur Saint André, la pollution en est probablement la cause principale. C’est un ressenti. Ce n’est pas chiffré », regrette le docteur, pour qui « mener des études sur la question ne serait pas idiot ».

Un enjeu sanitaire important

Claire, préparatrice en pharmacie dans le quartier, va même plus loin. « Je ne suis pas experte des maladies liées à la pollution, mais ce qu’on voit surtout, c’est une multiplication des cancers. Récemment il y a eu beaucoup de cancers du sein » raconte-t-elle avant d’ajouter : « je travaillais dans le centre de Marseille et je peux vous dire que je vois la différence ». En énumèrant le nombre d’activités polluantes qui entourent Saint-André, « les voitures sur l’A55, le port, les usines vers Martigues à 40 kilomètres, les avions qui passent au-dessus de l’Estaque », elle conclut : « On n’a pas le choix et c’est tous les jours… ».

Le cancer du sein, c’est un fléau qu’Élisabeth Pelliccio connaît bien : « Il y a deux ans, j’ai été malade pour la troisième fois. On était cinq femmes à avoir un cancer du sein en même temps ». Un an avant, un garçon âgé de dix ans décède d’une tumeur au cerveau. Trois enfants auraient également été touchés par cette pathologie à la même période. Tous habitaient dans le quartier ou à proximité.

Le cardiologue Pierre Souvet, cofondateur et président de l’Association Santé Environnement France explique les liens entre cancers et pollution : « il est sûr que les particules fines, rejetées en grande partie par les voitures et dans une moindre mesure par les paquebots, sont un facteur de risque cardio-vasculaire, mais on sait aussi que ça augmente les risques de cancer : poumon, vessie, et cancers du sein, comme l’a montré une récente étude française. » Le docteur expose la dangerosité de ces particules fines pour les femmes enceintes : « Quand la mère est exposée, elles touchent le fœtus par le placenta. À ce moment-là, il y a plus de risques de fausses couches et d’hypotrophie du fœtus à la naissance ». Au téléphone, la liste semble interminable. « Un diabète sur sept serait lié à la pollution de l’air. Et il y a des trucs encore plus compliqués, comme l’insuffisance rénale… Mais on en parle pas là » se freine-t-il.

L’électrification des quais se fait attendre

Quand nous le questionnons sur des alternatives, Pierre Souvet est clair : « Il y a des solutions : l’électrification des quais, c’est une priorité. » S’il interpelle le port, c’est parce que d’après lui, il s’agit de la technique la plus simple à mettre en œuvre. Il reconnaît tout de même : « ça demande un investissement lourd, mais ça en vaut la peine », avant de conclure : « Je sais que le directeur du port n’a pas compris que l’enjeu était important et qu’il fallait aller plus vite. »

Nous avons contacté le port afin de leur exposer les témoignages recueillis. Dans un mail, le service communication dit entendre les habitants : « Le port de Marseille Fos comprend l’impatience des riverains et nous faisons notre maximum pour maintenir un calendrier déjà contraint. » Les travaux d’électrification des quais ont débuté en 2017. « La transition énergétique est un impératif pour le port, qui s’y est engagé, et il tiendra ses engagements, avance l’attachée de presse, qui précise : Le port de Marseille Fos est une référence en matière de connexion électrique des navires à quai ». Les paquebots de croisière devraient être les derniers équipés, en 2025. Selon Atmosud, cette zone du port est celle où le plus d’oxyde d’azote est émis. Un gaz responsable de pathologies cardiaques et d’asthmes, selon le cardiologue Pierre Souvet. Des solutions temporaires ont toutefois été mises en place, comme la réduction de la vitesse à l’approche des quais ou l’utilisation de carburants moins polluants. Un constat qui fait rager Denis Pelliccio : « Ils parlent en années et je parle en morts. Les générateurs d’électricité sur les ports c’est maintenant qu’il faut les mettre ! »

Alice Gapail et Nicolas Beublet