PORQUEROLLES: L’EXPOSITION « L’ÎLE INTÉRIEURE » À LA VILLA CARMIGNAC

AUGUSTE RODIN : La Voix intérieure (ou La Méditation sans bras), 1896
Bronze, fonte à la cire perdue – Musée Rodin, Paris
La Méditation trouve son origine dans une figure de La Porte del’Enfer, inspirée de Michel-Ange. Elle fut reprise dans une autreoeuvre de Rodin, le Monument à Victor Hugo, puis agrandie, sousle titre de Voix intérieure. Elle représentait alors l’une des musesinspiratrices du poète. Pour l’insérer dans le monument, Rodin lapriva de ses bras et amputa une partie des jambes. Elle fut repriseainsi et exposée en 1897, mais fut mal comprise du public en raisonde son aspect incomplet. Le poète Rainer Maria Rilke écrit à son sujet: « Nous sommes surpris de voir que les bras manquent. Rodin les éprouva dans ce cas […] comme quelque chose qui ne s’accordaitpas avec le corps qui voulait s’envelopper en soi-même. » Manifestede l’autonomie de l’oeuvre d’art, La Méditation sans bras est l’une dessculptures que Rodin estimait le plus parmi ses créations.

ROY LICHTENSTEIN : Landscape, 1977
Huile et magna sur toile – 101,6 x 152,4 cm
Collection Carmignac © Estate of Roy Lichtenstein New York / Adagp, Paris, 2023
Face aux baies de la Villa, un tableau de Roy Lichtenstein ignore la distinction entre intérieur et extérieur, corps et paysage, réalité et rêve. Landscape est fait de textures sans profondeur. Le paysage est mental et les oiseaux dans la tête de la femme, tandis que le monde environnant est aussi lisse et opaque qu’un placage de bois. Ce personnage à la fenêtre (ou au miroir ?), est empreint de ce qu’il voit, de ce qu’il sent et ressent : il en est entièrement coloré.

HENRI-EDMOND CROSS : Les îles d’or, 1891-1892
Huile sur toile – Musée d’Orsay, Paris
En 1891-1892, Henri-Edmond Cross peint sa toile la plus audacieuse en regardant les îles d’or : Porquerolles, Port-Cros et le Levant depuis la côte. Le peintre fait fi de tout pittoresque pour ne traiter que des effets de lumière sur la couleur. Les différents éléments du paysage deviennent trois larges bandes colorées : le sable, la mer et le ciel. Fidèle à la technique néo-impressionniste qu’il pratique depuis peu, il utilise une touche ronde, dont il module la taille, de la pastille au premier plan au petit point à l’horizon, et l’espacement, afin de créer une légère perspective. L’horizon placé très haut est une référence à l’art des estampes japonaises. Cette œuvre exceptionnelle ouvre la voie à tout un pan de la modernité en se concentrant sur les effets lumineux à la limite de l’abstraction.

MARK BRADFORD : The Loop of Deep Waters 1, 2014
Technique mixte – Collection Carmignac
Suspendue au-dessus de la plongée vers le sous-sol, une bouée marine se présente comme un globe terrestre réagissant à d’autres gravités. Dans cette œuvre appartenant à une série présentée à l’occasion d’une exposition à Shanghai, Mark Bradford redessine et multiplie à la surface de cet objet recouvert de papier mâché, son matériau de prédilection, les routes maritimes centenaires empruntées sur la rivière Huangpu. Utilisées pour le commerce, les rencontres ou encore les échanges coloniaux, elles forment ici une constellation abstraite, la cartographie mouvante des mondes intérieurs que l’escalier invite à explorer.

DARREN ALMOND : Fullmoon@Sarranier, 2022
C-print, 120 x 260 cm © Darren Almond © Co-production Fondation Carmignac et l’artiste
Pour L’île intérieure, Darren Almond a repris sa série Fullmoon, images photographiées lors de nuits de pleine lune dans des sites du monde entier. La première de ces images, à la fin des années 1990, a été réalisée en Provence, l’artiste partant en quête des nuits cosmiques de l’histoire de l’art. Il suivra également les pas des grands romantiques ou se rendra sur des sites naturels fragilisés. Certaines des photographies prises à Porquerolles trahissent le temps de pose long en révélant la rotation de la Terre – les étoiles semblent filer -, tandis que la douceur des couleurs et des ombres lunaires montre les paysages, même familiers, de manière nouvelle et presque dérangeante. La mer couvre les rivages de brume et l’île devient, sous cette nouvelle apparence lunaire, le terrain d’un imaginaire différent du jour.