La ministre des armées sur le chantier d’entretien de la Frégate Courbet

« La marine et le MCO* naval »

*Maintien en condition opérationnelle

Madame la Ministre des Armées Florence PARLY

Florence Parly, s’est rendue à bord du porte-avions Charles de Gaulle pour l’appareillage du groupe aéronaval en vue de la mission « Clémenceau » -déploiement opérationnel en Méditerranée, dans le nord de l’océan Indien et en zone Asie-Pacifique,  elle a rencontré dans l’après-midi les acteurs de l’entretien des navires de combat, réunis sur le chantier de l’arrêt technique majeur de la Frégate FLF Courbet, au bassin à Toulon.

Elle a donné, en leur présence, un discours sur le maintien en condition opérationnelle naval pour en préciser les enjeux et les priorités. 

Discours de Florence Parly, Ministre des armées

Lancement du plan de modernisation du MCO naval

Base navale de Toulon – Toulon, le 5 mars 2019

« Hier en cale sèche, vous rendez aujourd’hui le Charles de Gaulle au fracas de la mer. Et son départ en mission honore celle qui est la vôtre, le maintien en condition opérationnelle de nos navires, ici, sur la base navale de Toulon, premier site de MCO de surface ».

« Nos armées et tous ceux qui concourent à leur sécurité, à celle de leur équipement, ont connu des années difficiles. Des années de privation et de contraintes qui ont cloué les avions au sol, réduit l’activité de nos bateaux, et fait naître une frustration lancinante dans le cœur de nos pilotes et de nos marins. Il était temps d’agir. Il était temps de redonner à nos forces les conditions les meilleures pour s’entraîner, de reconnaître à sa juste valeur le travail acharné et rigoureux des femmes et hommes de la maintenance.
C’est pourquoi, dès mon arrivée au ministère, j’ai initié une profonde réforme du maintien en condition opérationnelle dans tous les environnements. Lors du lancement de la réforme MCO aéronautique, j’avais exprimé une volonté très simple, résumée en une phrase « Il faut que ça vole ». Je vous dirai donc la même chose, « il faut que ça vogue ».
J’ai donc sollicité Jean-Georges Malcor pour conduire un audit approfondi du MCO naval, que je remercie chaleureusement et dont je souhaite ici saluer le travail éminent.
Ne vous méprenez pas ! : J’avais conscience de la pertinence de l’organisation du MCO naval et surtout de votre engagement à tous pour permettre le départ de nos bâtiments à l’heure.
Cet engagement, c’était hier l’ATM2 du Charles de Gaulle, véritable prouesse d’assiduité et de technique ! Un temps record de 18 mois d’arrêt pour une rénovation sans précédent.
Et c’est aujourd’hui le défi de la frégate Courbet. On dit de l’amiral Courbet qu’il « vint, apparut et disparut trop vite, sa gloire brillant pour s’éteindre subite ». Je pense que ses fans et lui-même seraient ravis de savoir que la frégate qui porte son nom s’apprête à vivre une seconde jeunesse
 ».

« Seconde jeunesse, pour le MCO également. Mais comme tout changement appelle d’abord un bilan, regardons les chiffres : la disponibilité de notre flotte atteint 71%, celle de nos sous-marins s’élève à près de 50%. La grande famille du MCO naval rassemble aujourd’hui près de 4500 personnes, engagées quotidiennement pour la sécurité et le confort de la flotte, et le ministère des Armées consent de l’ordre d’1 milliard d’euros par an pour la maintenance de ses bâtiments de la Marine.
Les chiffres ne suffisent évidemment pas à une appréciation complète de la situation mais ils sont éloquents. Et en comparaison avec d’autres pays, je peux dire que le MCO naval actuel est performant, il remplit ses objectifs dans les budgets impartis et donne satisfaction aux utilisateurs finaux.
Et cette performance, nous la devons aux trois piliers du MCO.
Au cœur, l’équipage. Vous êtes le souffle du navire, la houle qui le fait vivre, et surtout vous le faites survivre. Parce que votre outil de travail se confond avec votre lieu de résidence plusieurs mois par an, parce que vous avez un attachement viscéral à votre bateau, vous en prenez quotidiennement soin. Et les bons résultats du MCO naval, ce sont en grande partie, d’abord, les vôtres.
A la tête, nos services de soutien. Le SSF et le SLM d’abord, mais aussi le SID, tous ces acronymes qui dissimulent si facilement derrière trois lettres toute l’implication des personnels, tout l’engagement et le temps investi par les équipes dans les négociations du MCO. Sans vous, aucun contrat de maintenance, aucun dépannage d’urgence le dimanche soir la veille d’un appareillage, et aucune infrastructure pour accueillir et épauler nos bâtiments.
Sur le pont, les partenaires industriels. Ils ordonnent, assemblent, et assurent l’entretien de toutes ces pièces main dans la main avec les équipes étatiques !
Ces résultats et ces belles perspectives ne doivent pas détourner notre regard de certaines faiblesses structurelles. De nouveaux enjeux nous attendent au tournant : en premier chef, la montée en gamme technologique de nos bateaux qui appelle à repenser l’organisation du MCO naval, aujourd’hui trop complexe.
Je veux être claire avec vous : nous ne changeons pas pour le plaisir de changer. L’organisation et l’efficacité du MCO naval ont fait leurs preuves. Mais nous pouvons faire plus, confirmer la disponibilité de nos navires dans la durée et lorsque c’est possible, l’accroître. Car nous devons être à la hauteur des efforts financiers du pays pour nos armées, pour notre Marine. Nous chercherons à optimiser ce qui peut l’être, nous continuerons à être exigeants, car c’est cette exigence dans le service qui confère au soutien et à la maintenance toute sa noblesse
 ».

« La première priorité de cette modernisation sera de transformer la gouvernance du MCO naval. Il est temps que tous les acteurs s’invitent à une même table, avec un maître mot : « coordination. » Il est fondamental de renforcer la coordination entre le SSF, responsable du MCO naval, et le SID, responsable du MCO des infrastructures ainsi que des programmes d’infrastructures portuaires. Le chantier d’accueil des prochains sous-marins Barracuda à seulement quelques encablures d’ici doit constamment le rappeler.
Être tous à la même table, concrètement, c’est partager les mêmes objectifs entre les directions centrales du SSF et du SID. Et au niveau local, c’est instaurer la participation systématique du SID aux instances de coordination du MCO, sous la présidence du SSF. Je sais que d’excellentes initiatives ont été prises, comme celle du contrat opérationnel entre le SSF et le SID sur la zone Vauban de Toulon. C’est justement ces particularités locales qu’il faut généraliser et formaliser.
Être tous à la même table du MCO naval, cela concerne aussi la Direction générale de l’armement, notamment dans le cadre des programmes neufs. Le MCO représente jusqu’à 60% du coût de possession global. La maintenance n’est pas accessoire, ce n’est pas le gadget de fin de chaîne que l’on peut mettre de côté après avoir conçu et construit de nouveaux navires. Un des 16 chantiers de transformation du ministère a permis de définir les nouvelles méthodes de conduite de programme d’armement, pour remettre la maintenance au coeur des programmes.
Car c’est au sein des équipes de programme que sont élaborés les éléments qui structurent ensuite le MCO sur la durée de vie du navire. Ce sont aussi les équipes programmes qui sont à l’origine de la contractualisation du MCO initial. Et c’est ensuite au SSF d’assumer des choix techniques et financiers auxquels il doit être mieux associé. Je crois à un principe simple : qui paye, décide. Il est donc nécessaire de donner au SSF les moyens d’assumer ses responsabilités dès le stade de conception de sorte que le MCO ne soit plus une variable d’ajustement.
L’enjeu n’est pas uniquement organisationnel et technique, il est aussi humain. Ce sont les ressources humaines du SSF, comme celles de la DGA, qui feront le MCO de demain. Et ce que nous devons construire, ce sont des parcours à 360 degrés, qui mènent des programmes neufs à la maintenance, en passant par les infrastructures.
La capacité des ingénieurs de la DGA à prendre en compte, dès la conception des programmes, les enjeux de la maintenance de systèmes navals, ne sera possible qu’en permettant des respirations entre les différentes fonctions. Seul ce brassage des expériences, avec des périodes d’embarquement, permettra un véritable partage de culture, un melting pot de la DGA et de nos armées.
Je voudrais maintenant dire quelques mots du Service Logistique de la Marine. Le SLM, sous la direction du Capitaine de Vaisseau Bourut dont je connais les mérites, c’est en quelque sorte l’assurance vie de la Marine, puisqu’il garantit deux volets importants du MCO naval. Premièrement, il permet de disposer en tout temps et en tout lieu de personnels civils et militaires compétents et en mesure de maintenir des équipements que le tissu industriel privé ne peut plus soutenir ou n’a pas la réactivité pour traiter dans des délais courts : par exemple, réparer un collecteur un dimanche soir.
Deuxièmement, le SLM permet aux marins d’acquérir des compétences techniques nécessaires pour que nos bâtiments, anciens comme nouveaux, puissent durer à la mer en autonomie pendant les déploiements loin de nos ports.
Mais pour que le SLM soit pleinement intégré dans le MCO naval du XXIème siècle, il est toutefois nécessaire de le faire évoluer.
D’abord, pour maintenir la compétence de nos marins, à terre comme à la mer, et pour accroître encore la disponibilité de nos bâtiments, il est primordial que le SLM continue de s’ouvrir aux nouvelles technologies et devienne en quelque sorte une université technologique. Des parcours professionnels qualifiants et donc valorisants doivent être mis en oeuvre en ce sens.
Ensuite, il faut connaître le coût du SLM; la mise en oeuvre d’une comptabilité analytique durant l’année 2019 devra répondre à ce besoin. Ces éléments de comptabilité analytique nous permettrons d’estimer les coûts d’intervention des moyens militaires de soutien et de mieux piloter le plan stratégique du SLM, à deux voix avec le SSF.
Une fois tous les acteurs du MCO naval à la même table, ce sont les industriels qu’il faut faire entrer dans la ronde. Et pour cela, il nous faudra mieux communiquer. J’ai pris conscience que la politique industrielle du SSF demeurait trop confidentielle et ne permettait pas à tous les acteurs industriels d’avoir suffisamment de visibilité sur leurs opportunités, notamment dans le domaine des marchés mis en concurrence. Nous veillerons donc à mieux valoriser la politique industrielle du MCO naval pour la rendre plus attractive aux acteurs du marché, et tirer le meilleur parti du tissu dynamique des PME 
».

« La deuxième grande priorité du MCO naval a le vent en poupe, puisqu’il s’agit d’innovation. Je pense que je ne choquerai personne ici en rappelant que l’innovation technologique doit irriguer toutes nos méthodes et nos approches, notamment du MCO naval. Et je sais que vous avez déjà commencé à le faire, avec l’expérimentation de la maintenance prédictive sur nos FREMM et BSAM. Je pense en particulier aux initiatives du SLM en termes de fabrication additive. Il faut poursuivre en ce sens, et former aux technologies du futur dans le domaine du MCO.
Anticiper les besoins de révisions de nos navires grâce à l’analyse de données massives, ou ce qu’on aime aujourd’hui appeler le big data ; entraîner des modèles statistiques sur ces données, ou ce que l’on nomme machine learning ; rendre nos bateaux plus intelligents et plus autonomes grâce au smart shipping ; ce sont autant d’initiatives étatiques et industrielles engagées ces dernières années, toutes pleines de promesses pour un MCO naval modernisé. Il faut maintenant voir plus loin. Concevoir ces dispositifs, c’est déjà une étape et pas des moindres, et il faut désormais les mettre en oeuvre, pour gagner en efficacité et en disponibilité.
C’est donc une innovation « strictement nécessaire » dont nous avons besoin, et en ce sens j’ai donné plusieurs instructions. Tout d’abord, il faut ouvrir des discussions sur le partage de responsabilité et du risque dans le cadre de la maintenance prédictive. Celles-ci doivent également aborder les enjeux de gestion et de partage de la donnée dans un écosystème ouvert à la concurrence.
Par ailleurs, un des navires BSAM sera utilisé comme unité test pour confirmer les opportunités de la maintenance prédictive pour le MCO naval.
Ces approches devront évidemment être menées dans le respect des exigences de cyber sécurité. Je rappelle également une chose : la donnée, qui est le véritable carburant de ces technologies, doit être valorisée et gouvernée par l’Etat »
.

« Enfin, la troisième priorité du MCO se concentre sur son export. Nombreux sont les pays qui ont fait appel au savoir-faire de notre industrie navale, en particulier celui de Naval Group pour l’acquisition de leur navire. Et beaucoup connaissent la performance de notre MCO naval. Mais il faut le reconnaître, notre modèle est original: les rôles et expertise de l’équipage et du SSF en France sont majeurs, c’est d’ailleurs ce qui fait notre fierté. Il nous faut donc mieux l’expliquer et fournir un meilleur accompagnement dans ce domaine du MCO. Valoriser sur la scène universitaire internationale notre savoir-faire en termes de MCO naval y contribuerait de la plus belle des manières, sans compter les bénéfices qu’en tireraient également nos marins et nos ingénieurs. Je retiens donc la proposition du chef d’Etat-major de la Marine de mettre en place une offre de formation de niveau master « MCO maritime », à l’interface entre la Marine nationale, les universités et écoles d’ingénieurs, les entreprises de la filière navale ».

« Il ne restait plus qu’à confier cette mission de modernisation du MCO naval à des mains expertes. C’est donc en la personne du Chef d’Etat-major de la Marine et en celle du directeur central du SSF, l’ingénieur général de l’armement Guillaume de Garidel, que je place toute ma confiance pour conduire ces travaux et réflexions avec la rigueur et l’engagement qui sont les leurs ».